Par PAUL DE VILLEPIN
Avec OCÉANE HERRERO, JASON WIELS ET MARION SOLLETTY
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— Relevé de température aixoise : beau fixe sur les technos, malgré les avis contraires.
— Clément Léonarduzzi en disgrâce : information ou intox ?
— La start-up nation déjà nostalgique, avec un verre de rosé pour faire passer.
Bonjour à toutes et à tous, deuxième et dernière édition spéciale depuis les Rencontres économiques d’Aix-en-Provence. Certes, nous repartons moins pimpants qu’à l’arrivée mais ravis d’avoir pu croiser nombre de nos lecteurs et d’en rencontrer de nouveaux. Vous avez goûté à nos jeux de mots et ne pouvez plus vous en passer, savouré nos infos de derrière les fagots ? Il est vivement encouragé de vous abonner à Paris Affect. Un seul contact : [email protected].
VIVE LA TECHNOCRATIE ! On vous l’avait annoncé et vous aurez remarqué leur absence : les politiques ne sont pas là cette année. Pourtant, la politique est sur toutes les lèvres. Dans cette dernière ligne droite avant second tour, une étrange impression de flottement et d’attentisme a teinté l’atmosphère aixoise. Hier, dans les allées, chacun y allait de son pronostic et de sa petite théorie sur la suite des événements.
Parmi les trois scénarios sur la desk, coalition entre “républicains”, gouvernement Rassemblement nationwide ou exécutif approach, c’est la troisième possibility qui emportait largement l’adhésion des businessmen and girls. C’est celle qui induirait une moindre implication de l’Etat dans la conduite de leurs affaires, ce qui ne serait pas pour déplaire à nombre d’entre eux.
La première, qui supposerait que des personnalités allant de Bellamy à Glucksman tombent d’accord, ne leur paraît guère believable.
Quant à l’hypothèse Bardella à Matignon, elle ferait selon eux fuir les abilities et les capitaux ; ils ne préfèrent pas y croire.
Qui pour piloter ? Jean Castex, s’aventurait un financier bien en cour en Macronie. L’actuel patron de la RATP, réputé pour son ethos de serviteur de l’Etat, pourrait faire son come-back. Son côté “populaire”, au sens propre comme au sens figuré, ainsi que son caractère “consensuel” plaideraient en sa faveur, d’après notre homme.
“Et pourquoi pas Jean Tirole ou Didier Migaud ?”, se moque un fin naturaliste de la vie politique. Selon lui, l’Assemblée va être “hyper légitime” et “chauffée à blanc”. Unattainable que des technos tiennent longtemps la barre…
Le retAix de l’Aixpert : Mario Monti. Habitué des Rencontres, l’ancien président du conseil italien Mario Monti tenait hier après-midi un petit level presse pour raconter son expérience à la tête de de gouvernement dit de techniciens — une expression qu’il “n’aime pas”. Dans un français impeccable, le toujours élégant économiste a rappelé que les circumstances — une crise financière — qui avaient permis sa nomination, fin 2011, étaient bien différentes de la scenario actuelle de l’Hexagone.
Est-ce potential chez nous ? S’il ne s’est pas montré assertif, l’ancien commissaire européen s’est dit “peu persuadé” par les articles de presse évoquant cette théorie, compte tenu de la drive du régime présidentiel en vigueur en France. Lui “n’était qu’une resolution d’extrême d’urgence”, a-t-il précisé.
A-t-il été consulté par l’Elysée ou des politiques tricolores ?, a osé lui demander votre serviteur. Réponse : “Ça, c’est privé. Je vous réponds ni oui ni non, mais vous aurez compris.”
DES TECHNOS ? SURTOUT PAS, répond Michel Barnier, croisé sous un parasol du Café éphémère. Comme un autre routard de la politique, avec qui votre infolettre papotait deux tables plus loin, qui y voyait une potentielle “erreur historique”, l’ancien ministre pense qu’il s’agirait là d’un contresens politique.
Ze Brexit second. Candidat à rien mais determine respectée des Républicains (canal historique), l’ex-négociateur en chef du Brexit, qui ne fait pas mine d’ignorer que son nom est revenu dans certains papiers, refuse de commenter l’après 7 juillet mais a dressé sur scène un parallèle entre la crise actuelle et celle qui a secoué le Royaume-Uni : “Le Brexit comporte beaucoup de leçons françaises. Pourquoi 52 % des Britanniques, comme les Français [dimanche dernier], votent contre l’Europe, contre l’élite ? Ils ont le sentiment de ne plus être considérés, de ne plus être respectés.”
ReAix vs la France. Dont acte : si l’idée d’un gouvernement “d’consultants” peut séduire sur les pelouses peuplées de chemises proprettes des Rencontres, il serait un très mauvais signe à adresser face à la colère sociale qui secoue le pays. Le routard des élections croisé plus tôt dressait un parallèle avec le vote ignoré du “non” à la Structure européenne de 2005. “Les électeurs en 2005, on n’en a pas tenu compte… On ne va pas leur refaire la même histoire.”
Fait amusant : Michel Barnier a croisé dans le TGV Raphaël Glucksmann — qu’il apprécie — parti soutenir des candidats de la gauche dans le Sud pour les dernières heures de la campagne. De là à dire qu’il y a de quoi raccrocher les wagons…
BROUILLON DÉLOCALISATIONS. Même dans le cas d’un gouvernement hostile au enterprise as traditional, la panique n’a pas encore gagné les gestionnaires de fonds. Certes, “les investisseurs étrangers sont en scenario de stress”, explique l’un d’entre eux, qui gère plusieurs milliards d’euros d’actifs. Mais délocaliser ? “C’est tremendous prématuré. Je n’ai pas envie d’être dans ce temper. Partir, pour moi, ce n’est pas une resolution et ce serait même un aveu d’échec.”
Un autre fonds, valorisé le triple, qui siège lui aussi en France, a même échafaudé un plan S, comme Suisse, en cas de choc politique trop dur. Des plans de papier. Jusqu’à preuve du contraire.
UN ABSENT TRÈS PRÉSENT. C’est la rumeur qui amusait les communicants présents en nombre, comme toujours. Clément Léonarduzzi sort-il abîmé ou pas de la “séquence” (comme ils disent) de la dissolution ? Le vice-président du Groupe Publicis et ex-conseiller d’Emmanuel Macron, à qui de nombreux journalistes ont prêté un rôle plus ou moins central dans la fabrique de la décision présidentielle, va-t-il tomber en disgrâce ?
Chez les concurrents de Publicis, naturellement bienveillants et objectifs, deux écoles s’opposent.
Ceux qui croient que son aura reste intacte. “Les patrons savent très bien que ce n’est pas la décision d’un seul homme”, écartait d’emblée un ancien de l’Elysée sondé par votre infolettre. “A mon avis, il est en état de grâce jusqu’en 2027, les patrons sont contents d’avoir CL pour avoir l’oreille du PR”, jugeait toujours un senior d’une grosse agence croisé au Café éphémère. “Tout le monde est jaloux et essaye de lui casser du sucre sur le dos”, soupirait une patronne d’une boite de com. Un autre routard des affaires publiques, à côté du stand Nespresso, n’accordait aucun crédit à la rumeur : “C’est n’importe quoi, il a une confiance très forte de ses purchasers.”
Ceux qui boivent du petit lait et ajoutent une sucrette. “Les échos qu’on a, c’est que c’est pas bon pour eux”, se gaussait une communicante chevronnée. Selon elle, plusieurs dirigeants risquent de lui tourner le dos quelque temps. “Quand on vient voir Clément Léonarduzzi, on vient chercher de la stratégie, certains pragmatiques pourraient se demander pourquoi payer 15 ou 20 000 boules par mois pour se faire conseiller par un mec qui a contribué à la dissolution”, poursuivait-elle. D’autres allaient même jusqu’à faire courir le bruit que “Duzzi” avait perdu plusieurs contrats.
Combien exactement ? “Cinq”, spéculait un haut fonctionnaire beginner de ragots.
Publicis dément formellement : “Nous n’avons perdu aucun contrat”, nous jure Valérie Rudler, dircom du groupe, qui précise qu’il “a toute la confiance de la route”. Après un mois de congé sans solde pour s’impliquer dans la campagne, le plus présent des absents à Aix doit revenir à son bureau lundi matin.
UN TOAST À LA START-UP NATION. Les start-uppers ont renforcé cette année leur présence aux rencontres by way of une délégation de la Mission French Tech et la présence de leur foyer, France Digitale. L’event d’observer ce qui les rapproche des huiles du CAC 40, habituées du rendez-vous aixois.
Thèse, parenthèse, synthèse. Avec la future Assemblée, c’est la fin annoncée d’une époque dorée : sept années de “start-up nation”, marque de fabrique d’Emmanuel Macron. Pendant cette période si coulante avec tous ceux prêts à signer des tens of millions, sur fond de Brexit, la France serait “même devenue un hub dans l’écosystème des infrastructures”, évalue une investisseuse citée plus haut.
Mais avant même le verdict des urnes, le secteur subit, comme d’autres, le ralentissement et l’incertitude. “Les start-ups seront toujours là après, c’est sûr. Mais nous étions jusqu’ici sur un alignement qui nous a permis d’avancer rapidement sur nos sujets”, retrace Alexandre Labarrière, dircom de France Digitale.
Orage mais pas désespoir. Le foyer maison a organisé un petit rassemblement autour de bouteilles de rosé dans un restaurant proche de la soirée officielle. “On entre dans une nouvelle section, où on n’est plus épargné par les cycles économiques et la marche du monde”, juge aussi Alexandre Labarriere.
Pour bon nombre de jeunes pousses, la période politique hassle s’accompagne d’un ralentissement des investissements, des recrutements à l’étranger et des levées de sesterces.
Une préoccupation désormais : “Que la protection de la French Tech ne soit plus associée à un représentant politique”, lâche une actrice du secteur, quitte à changer de sobriquet. Sous peine de devenir inaudible.
À 8h30 — Patrick Pouyanné (TotalEnergies), Thomas Buberl (Axa) et Anne Rigail (Air France) causeront des énergies fossiles. Avec ou sans réserves sur le sujet ?
À 9h30 — Alors que la query du pouvoir d’achat démange les électeurs, que diriez-vous d’un débat sur un nouveau partage de la valeur ? Notre grande cheffe à POLITICO Paris Marion Solletty donnera la parole aux têtes pensantes ou dirigeantes d’Edenred, de la CFDT, Socotec et Vauban Infrastructure Companions.
À 15h30 — L’Etat doit-il se réinventer ? C’est la query que tenteront de trancher deux hauts fonctionnaires, et pas des moindres : Augustin de Romanet, qui quittera ADP après les JO 2024, et Nicolas Dufourcq de Bpifrance.
À 18h — IA, Etats, inverser le rapport de drive. Pour deviser sur ce thème : Jacques Attali (encore), Aiman Ezzat de Capgemini, Paul Hudson de Sanofi et Tatiana Jama de Sistafund.
Christine Lagarde, sirotant son gaspacho aux côtés de Jacques Attali et Jean Tirole au déjeuner officiel.
Philippe Corrot de Mirakl et Philippe Englebert de Lazard, en pleine cueillette de potentiels financeurs prêts à mettre au pot pour le projet de rachat de Marianne piloté par Jean-Martial Lefranc.
Dimitri Lucas, en dialogue avec Mayada Boulos — qui lui tenait la fundamental, probablement pour le réconforter à l’approche de son départ de Bercy — au milieu du Parc.
Karim Tadjeddine, l’ancien marketing consultant, emporté par l’affaire McKinsey, désormais chez Partech.
Raphaël Legendre, annonçant qu’il passait du papier (L’Opinion) à la télé (BFM Enterprise).
Anne-Laurence Pétel, dans la dernière étape de sa campagne, avec le patron du Medef native à ses côtés. La députée sortante de la 14e circo des Bouches-du-Rhône, arrivée troisième dans un mouchoir de poche derrière ses rivaux RN et socialiste, a décidé de se maintenir et de faire fi du entrance républicain.
Jean-François Achilli, dont le denims tranchait au milieu des convives dans les jardins de l’hôtel de Caumont.
Claude Raynal, polo blanc et moustache taillée au milimètre en grande dialogue avec Eric Lombard, lequel essaye “de se faire le plus discret potential en ce second”.
CLUB DES EX. Déserté par les politiques cette année, le parc Jourdan a tout de même été foulé par les espadrilles et sandalettes d’un sure nombre d’anciens et anciennes ministres, dont : Jean-François Copé (casquette sur la tête) et sa femme Nadia, Myriam El Khomri (goodies à la fundamental), Laurence Boone (toujours membre du Cercle des économistes), Emmanuelle Wargon tirant son cartable à roulette, Elisabeth Moreno (réconciliant “les mondes virtuel et réel”) et Florence Parly dissertant sur un thème rassérénant : qui veut la paix prépare la guerre.
Un photographe au téléphone, essayant de refourguer ses clichés : “Y que des grands noms ici : la PDG de Nexity, de Siemens, de la SNCF, tu te rends compte ? Que des journalistes connus, François Lenglet, Hedwige Chevrillon, Emmanuel Lechypre, tu te rends compte ? Il y avait un Togolais ce matin, extraordinaire.”
Philippe Aghion à une de nos consoeurs, en mode réformons encore. “La réforme des retraites est incomplète, il faudra peut-être introduire de la capitalisation à partir d’un sure niveau de revenu, dans le dialogue.”
“Ils sont quand même vachement dans leur bulle, nan ?”, s’interrogeait dans un fort accent sudiste une badaude en franchissant les grilles du parc sur les coups de 19 heures.
Un grand merci à : notre éditeur Jason Wiels.